chapitre 01: introduction à la science économique


 

Principes clés :

  Le mot économie provient du grec oikonomía (« oikos » qui signifie maison et « nomos » qui représente les règles). L’économie serait donc, dans un premier temps, l’ensemble des règles de conduite des activités domestiques. Le terme « économie politique » marque donc l’élargissement de son domaine à la cité ou à la nation.

 La science économique, pour se distinguer des autres sciences sociales et humaines qui ont aussi pour objet l’être humain, se définit par un objet et une méthode qui lui sont propre.

 L’objet  de  l’économie  est  lié  à  un  environnement  économique,  il  est,  donc,  de caractère évolutif : de la science des richesses, à la science de l’échange marchand et à la science de la rareté.

 L’économie est une façon particulière d’étudier les comportements des hommes. Elle part  du  constat  que  les  hommes  éprouvent  des  besoins  illimités,  mais  que  les ressources dont ils disposent pour les satisfaire n’existent qu’en nombre limité (phénomène de la rareté) : en conséquence, ils doivent faire des choix.

  

Les grands problèmes mondiaux du moment (chômage, crise financière, famine…) ont des origines et des conséquences économiques. Pour un étudiant, comprendre ces problèmes exige un certain nombre de connaissances, théoriques ou pratiques, quantitatives ou qualitatives, en économie.

 Au-delà des connaissances  en économie, le but ultime est de familiariser  l’étudiant aux démarches qu’adoptent les économistes pour une meilleure compréhension de   son environnement social , de l’amener  à développer son esprit critique  et à renforcer ainsi sa capacité à formuler par lui-même les questions les plus pertinentes face à la complexité des problèmes économiques contemporains.

 En guise d’introduction, nous allons tenter de répondre aux trois questions suivantes :

 1-  Qu’est-ce que l’économie ?

 2-  Quel est  l’objet de la science économique ?

 3-  Quelles sont Les méthodes de la science économique ?

 

Section 1 : bref  historique  de  l’économie

 Le terme   « économie » a été utilisé pour la première fois par Xénophon, homme politique et philosophe grec de l’antiquité (vers 430- vers 355 av. JC), disciple de Socrate (470-399 av. JC), dans un ouvrage intitulé « L’économique ». Ce terme vient des mots grecs oikos (maison) et nomos (loi, règle) et désigne donc l’étude de la gestion du patrimoine domestique. Quant à l’expression « économie politique », elle est entrée en usage au début du l7eme siècle grâce au penseur français Antoine de Montchrestien (1575- 1621) dans son ouvrage intitulé «Traité d’économie politique ». Dans cet ouvrage, l’auteur visait, selon une démarche normative propre à son époque, à éclairer le prince sur les règles d’une bonne administration du patrimoine public en France. Ce n’est qu’au milieu du 18ème siècle et après un long cheminement que l’expression s’est dégagée des considérations éthiques et normatives pour signifier avant tout un effort de conceptualisation de ce qui ne peut être appréhendé par la simple observation directe.

 

Ainsi, l’économie politique a gagné ses lettres de noblesse et s’est imposée en tant que discipline scientifique et en tant que matière d’enseignement depuis seulement deux ou trois siècles grâce aux écrits pionniers   de François Quesnay (1697-1774), Adam Smith ( 1723-1790), David Ricardo (l772-1823), Thomas Robert Malthus ( 1766-1834), Jean-Baptiste Say (1767- 1832). Depuis, bien d’autres auteurs lui ont fait franchir maintes étapes de développement, au point où l’Académie des sciences   de Suède a créé, en 1969,   un prix Nobel   d’économie,   comme   pour   commémorer   l’accession   de   l’économie   politique à la « consécration scientifique », selon l’expression de P.A Samuelson.

 

Ce dernier a définit l’économie comme suit : « L’économie recherche comment les hommes et la société décident, en faisant ou non usage de la monnaie, d’affecter des ressources productives rares à la production à travers le temps, de marchandises et de services variés, et de répartir ceux-ci, à des fins de consommation présente ou future, entre les différents individus et collectivités constituant la société ».

 

Section 2: L'objet de la science économique 

 L’objet d’une discipline quelconque est le domaine de recherche et d’application de cette discipline. Si la physique et la chimie se donnent une seule définition pour leur objet qui est l’étude des phénomènes de la nature pour la physique et l’étude des corps minéraux et non minéraux pour la chimie, la science économique, vu la divergence de ses définitions, se donne plusieurs objets.

 Les raisons de cette multiplicité des définitions de l’objet de la science économique sont au  nombre de deux :

  La complexité de la réalité socio-économique qui est évolutive, puisque les phénomènes économiques évoluent d’une époque historique à une autre et par conséquent la définition de l’objet de l’économique change aussi. L’économie européenne du moyen âge a été dominée par la présence des principes moraux et religieux alors que celle du 16ème et 17ème siècle a été caractérisée par la recherche du profit ou des moyens d’enrichissement d’une nation.

 

 La complexité du comportement des individus qui forment la société. L’économiste ne peut être neutre vis-à-vis de la société dont il appartient, portant ainsi  ses valeurs morales. Ainsi, l’économie est l’étude de l’utilisation des ressources pour la puissance nationale lorsque l’idéologie retenue est le nationalisme. Alors que l’économiste proposera, comme objet de l’économie, la recherche des moyens permettant la satisfaction des besoins essentiels de la communauté si l’idéologie étant le socialisme. Cependant, dans d’autres domaines, telles que la chimie, le chimiste est neutre vis-à-vis du corps qu’il étudie.

 

L’objet de la science économique est lié à un environnement économique, il est, donc, de caractère évolutif ; de  la science des richesses, à la science de l’échange et à la science de la rareté.

 2.1) L'économie est une science de la richesse:

 Citons quelques définitions qui se basent sur la notion de richesse :

 D’abord l’économiste classique J.B Say dans son ouvrage « traité d’économie politique » : a donné la définition suivante : l’économie politique enseigne comment se forment et se consomment les richesses qui satisfont aux besoins des sociétés.

  Ensuite J. Garnier présente la définition suivante : l’économie politique est la science de la richesse c’est-à-dire la science qui a pour but de déterminer comment la richesse est et doit être le plus rationnellement produite, échangée, répartie, employée dans l’intérêt des individus comme dans celui de la société tout entière.

  D’autres définitions similaires, celles de Robert Turgot en 1766 dans son ouvrage « Essai sur la formation et la distribution des richesses » et d’Adam Smith considéré comme père fondateur de l’économie politique,  qui  dix  ans plus  tard,  a publié son  ouvrage pionnier

« Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations ». Le titre de cet ouvrage est en lui-même une définition de l’économie qui a été adoptée par la plupart des auteurs à l’époque

 En suivant ces définitions, l’enrichissement est le but fondamental de l’individu et de la société. La science économique est définie alors comme la science de la richesse, de la même façon qu’il y a une science de la lumière et des planètes. Néanmoins, dans la définition de la richesse, ces auteurs n’ont retenu que l’aspect matériel en négligeant les services.

 Cette conception ne pouvait être retenue car elle excluait du champ de l’analyse et de l’observation  une  grande  partie  de  l’activité  ;  les  sociétés  contemporaines  développées appelées parfois des sociétés postindustrielles sont largement des sociétés de services.

 En effet avec l’activité des banques, des institutions financières, du tourisme, du commerce, la richesse s’étend à l’immatériel. Or trop étendre la notion de richesse risque de la rendre trop vague, d’où la démarche qui permet de recentrer la richesse autour d’une conception simple : tout ce qui satisfait un besoin, tout ce qui a une utilité est une richesse. La question qui se pose est comment mesurer cette utilité ou encore comment saisir la valeur d’un bien ?

 Recentrer la richesse autour de la notion de besoin revient à considérer l’économie comme la science de l’échange marchand puisque la notion de l’utilité est subjective et ne peut être mesurée qu’à travers l’échange moyennant un prix.

 

2.2) L'économie est une science de l'échange marchand:

  Un bien ou un service n’a pas de valeur en soi, il n’a de valeur que s’il satisfait un besoin, que s’il a une utilité. Or le problème qui se pose  est comment vérifier cette utilité et donc comment mesurer la valeur de ces biens ?

 C’est à travers l’échange que la valeur d’un bien ou d’un service se manifeste ; cet échange s’opère à travers les marchés. Par conséquent les marchés sont au cœur de la science économique dans la mesure où ils permettent de vérifier l’utilité des biens et de mesurer donc leurs valeurs.

 Ces marchés fixent le niveau général des prix, l’économie devient alors une science des prix puisque ce dernier n’est  que le résultat  de l’échange.  Cette conception  de l’économie a présenté un intérêt pour plusieurs auteurs qui ont orienté leurs préoccupations théoriques sur l’étude de la formation des prix.

La principale limite de cette approche se reflète à travers l’intervention des Etats dans l’économie qui a fait apparaitre la production non marchande comme  les biens publics, qui bénéficient à toute la collectivité,   les services de santé et d’éducation qui sont à l’origine de l’apparition de toute une branche de l’économie : l’économie Publique. Une troisième conception  permet  de  tenir  compte  de  l’insuffisance  citée  ci-dessus,  définit  l’économie comme la science des choix efficaces.

 En effet, les biens publics et les activités religieuses sont des choix délibérés de la part des individus et des pouvoirs publics ; l’économie est donc une science des choix efficaces.

 

2.3) L'économie est une science de la rareté et des choix efficaces:

 Lionel  Robbins,  dans  son  ouvrage  paru  en  1947  intitulé  «  Essai  sur  la  nature  et  la signification de la science économique », a défini l’économie comme la science qui étudie le comportement humain en tant que relation entre les fins et les moyens rares à usage alternatif.

 Cette définition part de l’idée que la rareté des ressources oblige à faire des choix. La rareté est une situation de non abondance des ressources tel que pour satisfaire les besoins, il faut dépenser un effort en travail ou consentir des sacrifices

 Puisque les moyens sont rares, il y a lieu de les utiliser de façon efficace. Les agents économiques ont des besoins illimités alors que leurs ressources sont limitées, se pose alors le problème de choix. C’est le cas au niveau microéconomique (producteur, consommateur) et au niveau macro-économique (Etat) où ces agents économiques sont confrontés à un choix de maximisation de la fonction objective sous les contraintes usuelles.

 

Section 3 : La méthode de la science économique 

 La démarche suivie par les sciences consiste à décrire, expliquer et prévoir les faits afin d’orienter l’action humaine. La question qui se pose est de savoir si l’économie est en mesure d’assumer ce rôle. En d’autres termes, l’économie peut-elle étudier de manière scientifique certains aspects du comportement humain.

 

 3.1- Hypothèses, lois et modèles en science économique

 Cette   démarche   méthodologique   utilise   certaines   opérations   logiques,   en   particulier :

   L’induction  consiste  à  partir  de  l’observation  des  faits  (grâce  notamment  aux statistiques) pour dégager des principes généraux ou des lois en d’autres termes partir de cas particuliers pour aboutir à des conclusions générales.

 La déduction consiste à déduire des propositions ou des conclusions à partir des hypothèses particulières sans faire appel à l’observation des faits.

  Les économistes font apparaitre des lois qui semblent gouverner le comportement des agents. Une loi est fondée sur des hypothèses plus ou moins contraignantes qui représentent des simplifications de la réalité. Hypothèse et lois permettent alors de construire des modèles qui donnent une représentation théorique du fonctionnement de l’économie. Comme dans toute démarche scientifique, les modèles sont confrontés aux faits : la validité d’une théorie repose sur la capacité de ses conclusions à expliquer les faits.

Schématiquement on peut représenter les étapes de la démarche scientifique comme suit :

 

 

Pour élaborer des lois, l’économiste suit une démarche scientifique qui passe par les étapes suivantes:

   La  phase  d’observation  des  phénomènes  économiques  qui  est  fournie  par  l’économie descriptive et par les statistiques.

  La phase d’abstraction qui consiste à simplifier la réalité en dissociant les aspects essentiels des aspects secondaires. L’abstraction est une opération qui consiste à isoler certains éléments essentiels en négligeant les autres.

  La phase déductive comprend : l’élaboration des hypothèses ainsi que  l’élaboration des lois par un raisonnement causal.

  La phase de vérification de la théorie qui consiste à confronter la théorie à la réalité pour tester sa pertinence. Si la théorie est vérifiée par les faits, elle est acceptée sinon elle est rejetée.

 

3.2- Approche positive et approche normative :

 Une analyse positive explique pourquoi les choses et les comportements sont ce qu’ils sont. Elle vise donc à montrer le monde « tel qu’il est ». Par contre une analyse normative cherche à définir ce que doivent être les choses et les comportements, à expliquer « comment doit être » le monde. Seule la démarche positive relève de la science, l’économie normative est trop influencée par des valeurs que l’on cherche à respecter. Cependant, les économistes conçoivent comme un prolongement logique de leur travail le fait de donner des conseils en matière de politique économique par exemple. Mais si les économistes émettent des avis, c’est toujours les hommes politiques qui prennent les décisions en dernier ressort.

 

3.3- individualisme méthodologique et holisme :

 L’individualisme  méthodologique  est  une  méthode  d’analyse  des  faits  économiques  et sociaux qui part du principe que les phénomènes étudiés peuvent être expliqués à partir des comportements individuels, alors que le holisme considère les comportements individuels s’inscrivent dans un contexte global prédéterminé (les normes et les règles d’une société, la catégorie sociale d’appartenance etc.). en conséquence, l’étude du contexte global est nécessaire pour comprendre les actes individuels.

 

 3.4- Microéconomie et macroéconomie :

 L’analyse microéconomique relève de l’individualisme méthodologique et prend pour point de départ l’analyse économique à l’échelle d’un agent économique. Elle choisit un agent type puis, pour passer aux grandeurs globales, elle propose d’agréger les décisions individuelles. A l’inverse,  la macroéconomie s’intéresse aux relations entre les grandeurs globales. Donc, en  macroéconomie,  le  point  de  départ  est  l’analyse  à  l’échelle     de  tous  les  agents économiques.

 Les  conclusions  de  l’analyse  microéconomique  ne  sont  pas  forcément  généralisables  au niveau macroéconomique car il est difficile de donner des fondements microéconomiques à l’analyse macroéconomique, ce qui justifie une approche purement macroéconomique pour rendre compte des phénomènes que ne peut expliquer la microéconomie.